Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a affirmé mardi que le président Michel Aoun était un "partenaire à part entière" dans le processus de la formation du gouvernement, alors que les tractions visant à mettre sur pied un nouveau cabinet battent leur plein en coulisses et restent compliquées.
"Le président de la République est un partenaire à part entière dans le processus de formation du gouvernement, indépendamment de la position du CPL. Il a le droit d'exprimer son opinion dans tous les ministères, quelles que soient leurs communautés et confessions, de même que le Premier ministre", a estimé le député de Batroun à l'issue d'une réunion du bureau politique de son parti, fondé par le chef de l'Etat.
Selon lui, le CPL "est en faveur d'un gouvernement qui n'évite pas la question de la gouvernance de la Banque du Liban, celle de l'enquête sur le port, qui nécessite une décision politique, le dossier des déplacés, le plan de redressement et les réformes avec les quatre lois sur le contrôle des capitaux, la restructuration bancaire, le budget et le secret bancaire".
Le président Aoun a refusé une mouture proposée par le Premier ministre désigné Nagib Mikati et suggéré trois options alternatives, la semaine dernière. Il s'agissait de remplacer à la tête du ministère de l’Énergie, détenu depuis des années par le camp aouniste, Walid Fayad (grec-orthodoxe, proche du CPL) par un sunnite, Walid Sinno, un homme d'affaires expert en énergie. M. Mikati devrait se rendre auprès de M. Aoun dans les prochains jours afin de poursuivre les tractations.
"Une opportunité sérieuse"
Concernant le dossier de la frontière maritime, M. Bassil a jugé qu'il y avait pour le Liban "une opportunité sérieuse". "L'équation Cana-Karish devrait être établie. C'est le bon moment pour le Liban de mettre en œuvre des solutions diplomatiques qui sont justes". "Nous ne sommes pas faibles", a-t-il encore dit. "Il ne s'agit pas seulement de dessiner les frontières maritimes. Ce qui est important c'est que le Liban puisse exploiter et extraire" des ressources, a indiqué le chef du CPL.
Le Liban et Israël avaient entamé en octobre 2020 des négociations inédites sous l'égide de Washington pour délimiter leur frontière maritime, afin de lever les obstacles à la prospection d'hydrocarbures. Mais les pourparlers avaient été suspendus en mai 2021 en raison de différends concernant la surface de la zone contestée et le champ de Karish notamment. Le litige frontalier a été ravivé avec l'arrivée récemment d'une unité flottante dans le champ gazier de Karish, au service de l'Etat hébreu. Une mission de médiation a depuis été lancée par l'émissaire américain Amos Hochstein, alors que les négociations indirectes entre les deux pays sont suspendues depuis des mois. L’État israélien serait prêt à accepter la revendication libanaise sur la totalité du champ d’hydrocarbures présumé de Cana, sous deux conditions : lorsque le Liban commencera l’exploitation du pétrole et du gaz dans ce champ, il se devra de payer une contrepartie financière à Israël, vu que ce dernier se sera désisté de son droit sur la partie du champ de Cana qui lui revient. En second lieu, Israël réclame une superficie supplémentaire – située au niveau du bloc 8 – en contrepartie de cette superficie perdue sur Cana, réduisant par le fait même les possibilités pour le Liban d’obtenir la totalité des 860 km2 disputés avec son voisin du sud.
M. Bassil a toutefois passé sous silence l'attaque des drones du Hezbollah. Samedi, le Hezbollah a confirmé avoir lancé "trois drones non armés en direction de Karish pour des missions de reconnaissance". "Le message a été délivré", avait dit le mouvement sans autres précisions et sans mentionner que ces appareils ont été interceptés et détruits par Israël. Lundi, le Liban officiel a critiqué "toute action entreprise hors de la responsabilité de l'État et du cadre diplomatique des négociations" sur la frontière maritime, dans une référence au lancement de drones par le Hezbollah, sans toutefois le nommer.
"Un avis" sur la présidentielle
Concernant la présidentielle, M. Bassil a affirmé qu'il aura "un avis et son mot" à dire au moment venu. Il a ajouté qu'il "espère et croit" que l'élection aura lieu dans les délais. "L'expérience a montré que le président seul ne peut pas faire grand-chose, a-t-il ajouté. Le véritable changement se fait à travers une évolution du système car notre système est le berceau de problèmes et de crises".
Bien qu'il ait refusé de s'exprimer jusque-là sur sa propre candidature, le chef du CPL est considéré comme un candidat officieux à la présidentielle, alors que le mandat de son beau-père Michel Aoun prend fin en octobre. Son rival chrétien et chef des Forces libanaises, Samir Geagea, estime qu'il est un candidat naturel vu qu'il dispose du plus grand groupe parlementaire. Il a plaidé mardi en faveur de l'unification de l'opposition au sein du Parlement en vue d'éviter l'élection d'un nouveau président affilié à la coalition du 8-Mars, comprenant notamment le Hezbollah.
Aussi, concernant le rapport final présenté par les représentants de la mission d’observation électorale de l’Union européenne au Liban pour les élections législatives de mai 2022, M. Bassil a affirmé être "heureux de voir un bon nombre des réformes que nous avons présentées" mentionnées dans ce document. Celui-ci comprend 23 recommandations pour améliorer les futurs processus électoraux dans le pays, parmi lesquelles celle qui consiste à donner à la Commission de surveillance des élections le mandat et la capacité de vérifier et de contrôler tous les comptes personnels des candidats aux élections, de leurs enfants et conjoints, en levant le secret bancaire sur ces comptes et en créant une unité spécialisée au sein de cette commission.
Port de Beyrouth
Enfin, au sujet de l'explosion au port de Beyrouth, qui a tué plus de 220 personnes et blessé 6.500 autres le 4 août 2020, M. Bassil a dénoncé "le retard délibéré" dans l'enquête. "Des personnes sont en état d'arrestation de manière injuste. Dix-sept familles souffrent en raison de cette injustice", a-t-il accusé dénonçant " l'absence de décision politique".
Près de deux ans après le drame, l'enquête piétine toujours au Liban à cause de multiples manœuvres politiques. Elle est actuellement suspendue en raison des nombreux recours à l'encontre du juge Tarek Bitar en charge du dossier, présentés par de hauts responsables politiques, dont les députés Ghazi Zeaïter, Ali Hassan Khalil et l'ancien ministre des Travaux publics Youssef Fenianos. Les proches de victimes appellent régulièrement le gouvernement à accélérer la signature d'un projet de nomination judiciaire qui permettrait une reprise de l'enquête. Lundi, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé à la France de donner son "feu vert" pour l'ouverture d'une enquête internationale sur l'explosion du port, tout en dénonçant ce qu'elle estime être "l'inaction" du président Emmanuel Macron en la matière.
commentaires (15)
C'est cela le problème Monsieur Bassil, c'est qu'Aoun et vous, vous êtes les instigateurs de la perte du Liban pour le profit de l'Iran et du Hezbollah uniquement! Vous omettez volontairement, la provocation des drones du Hezbollah, comme vous avez omis le 14 octobre 2021 de parler de l'instigation et de la participation du HA dans la confrontation armée de Tayyouné! Ce n'est pas pour rien que je vous ai baptisé depuis les élections l'Imam Iranien de Batroun!
Marwan Takchi
16 h 40, le 06 juillet 2022