Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, s'en est pris au Hezbollah et a appelé, dans des propos d'une rare virulence, à révoquer le ministre libanais de l'Information, Georges Cordahi, soulignant la nécessité pour le Liban de présenter des excuses officielles à l'Arabie saoudite afin de mettre un terme à la grave crise diplomatique provoquée par des déclarations anti-saoudiennes du ministre. Dans un entretien accordé lundi soir à la chaîne locale MTV, le leader druze a affirmé "avoir été trop patient avec le Hezbollah", et a accusé le parti pro-iranien de vouloir mener le pays à l'effondrement économique, notamment en faisant courir le risque aux Libanais dans le Golfe d'être expulsés suite à la crise.
L'Arabie saoudite avait rappelé son ambassadeur et demandé à l'ambassadeur libanais à Riyad de quitter le pays à la suite des propos de M. Cordahi, qui avait critiqué son intervention militaire au Yémen, et défendu les rebelles houthis appuyés par l'Iran. Le royaume wahhabite a également arrêté les importations libanaises, alors que le Koweït, les Emirats arabes unis et Bahreïn prenaient des mesures de rétorsion à l'égard du Liban. M. Cordahi, soutenu par le Hezbollah, refuse de démissionner, et affirme que ses propos ont été tenus dans une émission télévisée enregistrée avant sa prise de fonction.
"La solution immédiate de la crise est de révoquer le ministre Cordahi et de présenter des excuses officielles à l'Arabie saoudite", a-t-il déclaré. Puis de violemment critiquer la formation de Hassan Nasrallah : "J'ai été trop patient avec le Hezbollah", a-t-il lancé. Selon lui, le parti chiite "veut bloquer l'économie dans le pays" et "il y est presque parvenu". M. Joumblatt a indiqué qu'une note interne secrète circulait sur des groupes WhatsApp proches du Hezbollah dans laquelle la formation chiite "appelle ses partisans à se préparer à accueillir des membres d'une seule communauté qui seraient expulsés du Golfe". Le Hezbollah "détruit leurs vies", a-t-il ajouté, accusant le Hezbollah de faire le courir le risque aux Libanais d'être expulsés de ces pays. Les Libanais dans le Golfe vivent dans la crainte de mesures d'expulsion depuis le début de la crise, bien que le royaume ait assuré ne pas avoir l'intention de le faire.
Le leader du PSP a regretté "ne pas avoir vu de prise de position du chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, sur la crise avec le Golfe" et l'a appelé à agir. Il a également critiqué la gestion de cette crise diplomatique par le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, mais a salué celle du Premier ministre, Nagib Mikati, qu'il a qualifiée d'"excellente", notant que celui-ci "déploie des efforts dans un champ de mines".
Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Hossam Zaki, venu lundi en mission de médiation à Beyrouth, avait rencontré les trois responsables, ainsi que le président du parlement, Nabih Berry, et appelé à la démission de M. Cordahi pour permettre d'amorcer une solution.
Le Hezbollah veut bloquer l'enquête
Interrogé au sujet du drame du 4 août 2020, M. Joumblatt a estimé que le Hezbollah "veut bloquer le port au lieu de sortir du cercle vicieux de l'enquête et de procéder à sa reconstruction. Qui profite du blocage du port? Ashdod et Haïfa", en Israël, a-t-il dit.
Le chef du PSP a noté, à ce sujet, que le juge Tarek Bitar, en charge de l'instruction sur les explosions du port de Beyrouth, et qui fait face à une levée de boucliers de la classe dirigeante, pourrait poursuivre son travail parallèlement à la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Il a également mis en garde contre un troc entre les enquêtes sur le drame du 4 août et les affrontements de Tayouné.
M. Joumblatt a indiqué, dans ce contexte, que s'il était à la place du chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, il se serait présenté à son interrogatoire. M. Geagea avait refusé de se présenter devant le juge pour être interrogé comme témoin sur les violences du 14 octobre à Tayouné, affirmant qu'il le ferait si le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, faisait de même.
Les violences avaient éclaté en marge d'une manifestation de partisans du Hezbollah et du mouvement chiite Amal contre le juge Bitar devant le palais de justice. Des membres des deux formations chiites, certains lourdement armés, étaient entrés dans des ruelles du quartier de Aïn Remmaneh, et provoqué les habitants selon M. Geagea. Des tirs d'origine inconnue les ont visés, faisant sept morts, et les deux partis accusent des francs-tireurs des FL, ce que cette formation dément.
Interrogé au sujet des prochaines élections législatives, prévues au printemps, M. Joumblatt a estimé que "tout recours" contre la loi électorale, comme celui que le Courant patriotique libre (aouniste) se prépare à présenter, "veut dire qu'on va vers un torpillage" de cette échéance.
commentaires (7)
Comment il ose ? Demain, c'est l'inverse.
Esber
17 h 20, le 09 novembre 2021