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Monde - Reportage

Un cercueil dans la salle de pause, quand le Covid déborde les pompes-funèbres

A l'accueil, les téléphones ne cessent de sonner, la plupart du temps dans le vide car Candy, la propriétaire, n'est plus en mesure d'organiser des rendez-vous.

Un cercueil dans la salle de pause, quand le Covid déborde les pompes-funèbres

Un cercueil étant transporté vers le cimetière. Photo d'archives Ani

Un défunt dans la salle de pause, des corps embaumés stockés dans le garage : les pompes-funèbres Boyd, petite entreprise familiale du sud de Los Angeles, sont débordées par les morts du Covid-19 et, pour la première fois depuis leur création en 1963, refusent des clients.

"Le week-end précédent, j'ai dû éconduire seize familles pour lesquelles je ne pouvais pas organiser de services funéraires. Ça revient à mettre tous les noms dans un chapeau et à en tirer un au sort. C'est triste mais c'est comme ça en ce moment avec la pandémie", se désole Candy Boyd, la propriétaire. Au cours des deux semaines écoulées, 80% des défunts qu'elle a pris en charge étaient morts du Covid-19, dont Los Angeles est devenu l'un des principaux foyers aux Etats-Unis ces dernières semaines.

A l'accueil, les téléphones ne cessent de sonner, la plupart du temps dans le vide car Candy n'est plus en mesure d'organiser des rendez-vous. Elle demande désormais aux familles de venir sur place, quitte à devoir faire la queue. Et la PME de quartier reçoit désormais des appels d'autres comtés, à plus d'une heure de route, tant les familles sont désemparées. "La situation est en train de devenir incontrôlable", tranche Candy Boyd, évoquant des morgues d'hôpitaux pleines à craquer et des listes d'attente qui peuvent atteindre deux semaines pour certains cimetières.

Pour preuve, elle désigne le cercueil surmonté d'une gerbe de fleurs qui occupe une petite pièce près de l'accueil depuis la semaine dernière. "C'est notre salle de déjeuner. Le cimetière est tellement débordé que nous ne pouvons pas l'y amener. Donc on doit le garder ici jusqu'à ce qu'ils puissent organiser l'inhumation. C'est dingue", explique à l'AFP la quinquagénaire.

"Les chiffres ne mentent pas"

Avec ses modestes pavillons, le quartier de Westmont, comme une grande partie du sud de Los Angeles, est en grande majorité habité par des populations noires et latino-américaines, de loin les plus touchées par le coronavirus avec des taux de mortalité deux à trois fois plus élevés que dans les quartiers aisés. Conséquence de ces ravages, la chambre froide des pompes-funèbres Boyd ne désemplit pas.

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Voici deux semaines, Mme Boyd a été obligée de faire venir un artisan pour construire deux grandes armoires en bois dans le garage de l'entreprise, afin d'y stocker les corps embaumés. "Il n'a même pas vraiment eu le temps de terminer parce qu'on en a eu besoin tout de suite", dit-elle en désignant les défunts enveloppés dans des sacs mortuaires blancs sur les rayonnages de bois brut. "Jamais je n'aurais pensé avoir un jour besoin de faire construire ça", lâche-t-elle. Certains de ses collègues disent être confrontés à une pénurie de cercueils, faute de bois en suffisance, mais le fournisseur de Mme Boyd arrive encore à satisfaire les commandes "si on les passe suffisamment en avance".

Au tout début de la pandémie, Candy Boyd avait refusé de prendre en charge les défunts décédés du Covid-19, par crainte que ses cinq employés ou elle-même soient contaminés : "Je faisais des cauchemars, je n'arrivais ni à manger, ni à dormir". Elle a depuis mis en place des protocoles adaptés et s'est fait une raison mais "j'y pense tous les jours, ça me pèse", confie-t-elle.

"Je fais face, et je dois avoir l'air solide parce que je suis au service des familles", qu'elle connaît parfois personnellement de longue date. Et Candy Boyd s'agace devant les incivilités de ceux, trop nombreux, qui nient l'impact de la pandémie, refusant de porter un masque ou de respecter la distanciation physique. "Je suis dedans tous les jours. C'est ce que je vois, ce que je vis. Ce n'est pas une blague. Les chiffres ne mentent pas, c'est réel", insiste-t-elle.

A ce jour, près d'un million de cas ont été recensés dans le comté de Los Angeles, soit environ un habitant de la mégapole sur dix. Au cours des sept derniers jours, 287 personnes en moyenne y sont mortes du Covid-19 quotidiennement. "Si vous ne prenez pas ça au sérieux, vous pourriez rejoindre les gens qui sont dans mon arrière-boutique en ce moment!"


Un défunt dans la salle de pause, des corps embaumés stockés dans le garage : les pompes-funèbres Boyd, petite entreprise familiale du sud de Los Angeles, sont débordées par les morts du Covid-19 et, pour la première fois depuis leur création en 1963, refusent des clients."Le week-end précédent, j'ai dû éconduire seize familles pour lesquelles je ne pouvais pas organiser de services...

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