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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Israël interviendra-t-il en faveur des druzes syriens ?

Dans la partie annexée par l'État hébreu dans le Golan, les appels se font de plus en plus pressants pour aider une communauté neutre, aujourd'hui encerclée par des rebelles islamistes.

Des membres de la communauté druze observent les affrontements entre rebelles et troupes loyalistes dans le village druze de Hadar, du côté israélien de la ligne de démarcation dans le Golan. Baz ratner/Reuters

La guerre aura fini par rattraper les druzes de Syrie. Après avoir réussi à louvoyer entre les différentes parties du conflit, la communauté, particulièrement présente dans la province de Soueida, dans le Sud, et sur le plateau du Golan est depuis quelques semaines prise entre l'enclume et le marteau.

Traditionnellement prorégime mais ayant refusé jusqu'ici de prendre part aux combats qui déchirent le pays depuis 2011, les druzes sont aujourd'hui entraînés, dans leurs propres régions en tout cas, dans les violences. Il y a près de 15 jours, plus de vingt personnes ont été tuées dans le village druze de Qalb Lozé, dans le Nord-Ouest, par des combattants du Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda. À l'origine de la tuerie, un Tunisien islamiste qui a voulu saisir la maison d'un villageois. Très vite, al-Nosra tente de rassurer la communauté, et par extension les autres minorités confessionnelles, en assurant vouloir punir les responsables du massacre. Car le groupe veut éviter toute confrontation avec les différentes composantes de la population syrienne et cherche à faire bonne figure devant la communauté internationale devant laquelle il se pose en interlocuteur incontournable.

Dans la province de Soueida, la base militaire de Thala a été brièvement occupée par les rebelles avant d'être reprise par le régime, une avancée inédite des rebelles dans cette région loyaliste. Quelques jours plus tard, les tensions ont été exacerbées par l'encerclement par al-Nosra d'un village druze, Hadar, dans la province de Kuneitra, sur le plateau du Golan.

Le transport, il y a quelques jours, de deux blessés syriens soupçonnés d'être des rebelles vers un hôpital israélien pour y être soignés a été la goutte qui a fait déborder le vase. L'ambulance a été attaquée par des dizaines de personnes appartenant à la communauté druze et les blessés, dont l'un n'a pas survécu, ont été lynchés. Nombreux sont ceux qui pensent en effet qu'Israël porte secours à des rebelles et les soigne dans ses hôpitaux.


Des druzes portent leur drapeau près de leur village de Majdal Chams dans le Golan. Baz Ratner/Reuters

 

Statut privilégié
La communauté druze étant particulièrement solidaire, celle d'Israël laisse depuis quelques jours éclater sa colère, craignant pour la vie de ses coreligionnaires, dont certains sont des parents, juste de l'autre côté de la ligne de démarcation dans le Golan. De plus en plus, les druzes d'Israël se mobilisent pour appeler le gouvernement à entreprendre une action quelconque et organisent des collectes pour aider les druzes syriens. La communauté jouissant d'un statut particulièrement privilégié en Israël – ils servent dans l'armée et soutiennent le gouvernement –, la pression se fait ressentir au niveau du gouvernement.

« (Le Premier ministre) Benjamin Netanyahu se serait très probablement passé d'un tel appel. Ni lui ni les gouvernements israéliens successifs ne semblent avoir eu d'affinité particulière pour cette minorité qui, les druzes d'Israël mis à part, lui tourne le dos depuis toujours », estime Barah Mikaïl, directeur de recherche à la Fride, un think tank espagnol, et professeur associé à l'université Saint-Louis de Madrid. Pour Mario Abou Zeid, chercheur au Carnegie Middle East Center et expert de la région, « la communauté druze est essentielle pour Israël ». Et d'expliquer : « De nombreux druzes font partie des Forces israéliennes de défense (FID) et la plupart font leur service militaire. Leurs bonnes relations avec leurs coreligionnaires en Syrie et au Liban remontent à plusieurs décennies, surtout depuis la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au Liban. »

 


Le village druze de Hadar est aujourd'hui pris entre les forces du régime et les rebelles, qui s'affrontent dans ses environs. Jalaa Marey/AFP

 

« Politique identitaire »
Est-ce à dire que la pression de la communauté druze israélienne pour plus d'implication de l'État hébreu révèle un esprit communautaire prévalant sur le sentiment nationaliste ? Si, pour certains, comme Tobias Lang, politologue, blogueur et auteur, les actions des druzes israéliens ne sont « qu'un élan de pure solidarité (...) similaire à ce qui s'est passé au début des années 1980, lors de la guerre civile libanaise », d'autres vont plus loin. Une « politique identitaire » émergente est en train d'apparaître dans tous les pays de la région, constate M. Abou Zeid. Les différentes identités confessionnelles et sectaires sont en train d'écraser les sentiments nationalistes qui subsistent encore. En Syrie, comme en Irak, ce phénomène n'est pas seulement visible au sein de la communauté druze, mais dans toutes les communautés et leurs différentes branches : chrétienne, kurde, sunnite, chiite, etc. Cette tendance dépasse les frontières et tout ce qui importe demeure l'unité de la communauté.

 

(Pour mémoire : Israël s'engage à protéger des réfugiés syriens notamment druzes)


En attendant, la possibilité d'une implication israélienne pour soutenir la communauté druze à la frontière est de plus en plus évoquée par une frange de l'opinion publique israélienne et certains médias. « Une intervention israélienne très limitée pourrait, peut-être, avoir lieu dans les environs du village de Hadar, qui se trouve directement sur la ligne de démarcation », avance M. Lang, précisant qu'une telle éventualité ne se ferait que dans le respect de l'entente officieuse entre l'État hébreu et les rebelles syriens, dont certains sont soignés dans les hôpitaux israéliens depuis le début du conflit.

Même prudence du côté de Barah Mikaïl. « On ne peut évidemment jamais exclure les interventions clandestines et/ou indirectes. Mais sur le plan officiel, une quelconque intervention israélienne en faveur des druzes de Syrie, ne serait-ce que sur un plan humanitaire, me semble totalement exclue », affirme le chercheur. Et d'ajouter : « Outre le fait que les druzes de Syrie la rejetteraient, une telle tentative ne pourrait que mettre davantage en péril une communauté druze syrienne qui pourrait être facilement accusée de collusion avec Israël. »

 

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Traditionnellement prorégime mais ayant refusé jusqu'ici de prendre part aux combats...

commentaires (5)

IL N'INTERVIENDRAIT QUE POUR SES INTÉRTÊS !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 10, le 26 juin 2015

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • IL N'INTERVIENDRAIT QUE POUR SES INTÉRTÊS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 10, le 26 juin 2015

  • Quelle fut la position d’Israël lors de la guerre du Choûf, au fait ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 00, le 26 juin 2015

  • Same qu'au Choûf ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 43, le 26 juin 2015

  • Comme de bien entendu !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 09, le 26 juin 2015

  • Entre les druzes syriens et les druzes d'Israéliens cette communauté minoritaire fut toujours très solidaire....

    M.V.

    10 h 12, le 26 juin 2015

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